Diaconat ?


Qui la versione italiana

Schermata 2016-08-19 alle 11.47.23

Lors d’une rencontre avec le pape François, l’assemblée des Supérieures majeures avait posé des questions fortes, concernant en définitive la situation concrète des religieuses dans l’Institution de l’Eglise : possibilité pour les religieuses de faire l’homélie à la Messe ; participation aux prises de décision aux divers niveaux de direction dans l’Eglise ; place des religieuses dans les assemblées plénières de la Congrégation des Religieux ; résurrection de l’ordre des diaconesses dans l’Eglise… Le pape n’a rien éludé, n’a pas prétendu avoir la réponse à tout, mais il a répondu à certaines choses. Je relève quelques points qui mériteraient étude.

Sur la question des diaconesses, le pape a reconnu le caractère limité de ses connaissances sur les réalisations du passé ; il envisageait donc de demander un rapport sur la question à la congrégation compétente, ce qu’il a fait. Il vaut sans doute la peine de revenir sur cette question. Le pape avait fait état de conversations avec un prêtre syrien érudit, dont il ressort que, au moins dans l’espace connu par ce prêtre, les diaconesses semblaient avoir eu comme rôle d’assurer la pudeur dans les célébrations rituelles impliquant le corps de la femme : celui-ci ne peut être vu et touché que par des mains féminines. Diaconat liturgique, en somme, lié à la question délicate du corps.  Mais alors on peut retourner la perspective et se demander en général : quel type de service dans l’Eglise requiert des mains féminines (et, réciproquement, quel des  mains masculines ?) Le pape a en fait élargi la question, en racontant un souvenir personnel : il y avait dans son diocèse de Buenos Aires un laïc engagé, compétent, dévoué, au point que le curé de cet homme avait évoqué avec l’archevêque la possibilité d’une ordination diaconale.  Bergoglio répondit alors par la négative : pourquoi faire sortir cet homme de la condition laïque, où il remplit parfaitement son rôle ? Réponse impressionnante : car s’il est mieux qu’un laïc chrétien activement engagé dans la vie paroissiale ou diocésaine demeure laïc, quels sont alors les critères qui vont fonder l’ordination d’un laïc au diaconat ? Qu’est-ce qui est donc spécifique du diaconat ? Et pour les femmes : quand est-ce que le service multiforme qu’elles rendent, comme religieuses ou comme laïques, demande-t-il le diaconat ?

Ces réflexions peuvent être reprises à propos de la prédication : le pape justifie l’exclusion des religieuses par le fait que le prêtre préside la liturgie eucharistique au nom de Jésus-Christ (il reprend la formule classique in persona Christi), aussi bien au niveau de la Parole que du Sacrement ; c’est le même Jésus-Christ qui parle et qui consacre. Au contraire, dans les célébrations non sacramentelles, la religieuse peut présider et prêcher. Tout en admettant la validité de la réponse du pape, on serait en droit de lui demander : à quel titre la religieuse (ou une laïque) peut-elle ici prendre la parole ? Car quelle que soit la condition de quelqu’un qui se met à parler dans une assemblée chrétienne, cette personne se réfère toujours à Jésus-Christ. C’est alors le « comment » de la référence qu’il faudrait préciser. De plus, il me semble que la distinction prédication sacerdotale vs. prédication non sacerdotale, peut jouer pour n’importe quelle des activités dans l’institution de l’Eglise. A ce sujet, il est intéressant de remarquer que, dans les questions des sœurs et les réponses du pape, on a entendu plusieurs fois le mot de leadership. Les femmes n’auraient pas dans l’Eglise l’autorité relevant du sacrement de l’Ordre, mais elles pourraient avoir un leadership. N’y aurait-il pas lieu de « traduire » cette expression emprunté à la sociologie américaine dans le vocabulaire de l’ecclésiologie ?

Le pape s’est aussi élevé, au cours de ce dialogue, contre le cléricalisme. Pour expliquer ce concept, le pape donne l’exemple des conseils : il y a des paroisses, voire même des diocèses, où il n’y a pas de conseil économique ni de conseil pastoral. Le prêtre ou l’évêque décide de tout sans consulter personne (ou en limitant la consultation à des personnes individuelles arbitrairement choisies par lui). Pour reprendre un autre terme, cher au pape François, il y a malheureusement des paroisses dépourvues de synodalité locale. Il y aurait donc, pour le pape, un lien je dirais constitutionnel, dans l’exercice de l’autorité entre celle qui vient de Jésus-Christ par l’ordination sacramentelle et celle qui appartient (mais à quel titre et comment ?) à la communauté chrétienne (diocésaine ou paroissiale) et qu’elle exerce par le moyen des conseils. Il y a là quelque chose à approfondir… Est-ce que, sans le dire, on ne se rapproche pas de quelque chose qui serait la « constitution démocratique de l’Eglise », à articuler à sa « constitution hiérarchique » ?

 

Share